La raison de la ruée soudaine vers la conclusion de l’ALÉNA

Cet article a d’abord paru dans le Journal of Commerce, le 20 avril 2018

Par Cora Di Pietro, vice-présidente, Conseil, Société internationale Livingston

Au cours des dernières semaines, nous avons constaté un sentiment d’extrême urgence en ce qui concerne l’ALÉNA. À la fin de mars, les délégués commerciaux des États-Unis avaient proclamé qu’ils étaient prêts à annoncer une entente de principe d’ici le début du Sommet des Amériques le 13 avril. Les délégués canadiens étaient moins optimistes et, comme il s’est avéré plus tard, il a ensuite été annoncé que l’entente ne serait fort probablement pas prête à temps pour le Sommet.

Toutefois, les ministres du Commerce concernés restent déterminés à conclure une entente au plus tard au début du mois de mai. Il convient de noter que la date limite pour la conclusion des négociations a déjà été reportée quelques fois : de décembre à janvier, puis à mars, et maintenant à mai.

Étant donné l’importance de l’ALÉNA pour l’économie de tous les trois pays et le sentiment d’incertitude causé par les négociations au cours des huit derniers mois, on pourrait penser que l’urgence d’arriver à une conclusion soit issue de la volonté de créer une plus grande stabilité économique et de stimuler l’investissement. Ce n’est pas le cas. Bien que les parties souhaitent dépolitiser les discussions, le désir d’accélérer la conclusion découle entièrement des enjeux politiques.

Élections au Mexique

Le 1er juillet, le Mexique élira un nouveau chef, et la campagne électorale a commencé sérieusement. La direction du président mexicain actuel, Enrique Peña Nieto, dont les cotes de confiance sont parmi les plus faibles de tous les présidents mexicains des temps modernes, est contestée par le gauchiste, Andrés Manuel López Obrador. Les politiques en matière d’échanges de M. Obrador sont restées quelque peu ambiguës, mais son mépris pour le président des États-Unis, Donald Trump, et pour l’opinion de ce dernier sur le Mexique, a été plutôt évident.

Certains pensent que si M. Obrador remporte les élections, il pourrait adopter une position d’activiste par rapport à l’ALÉNA, ce qui compromettrait l’accord. Cependant, l’une des préoccupations les plus pressantes est que l’ALÉNA pourrait devenir un enjeu controversé dans le cadre de la campagne électorale, ce qui forcerait Enrique Peña Nieto à jouer dur à la table des négociations pour éviter les critiques selon lesquelles il capitulerait face aux exigences des États-Unis.

Nouvelles priorités commerciales

Lorsque les négociations de l’ALÉNA ont commencé en août 2017, les parties espéraient arriver à une entente avant décembre 2017. La date limite est déjà passée, et dans l’intervalle, de nouvelles difficultés et priorités commerciales se sont rajoutées pour l’administration Trump, y compris les tarifs sur l’acier et l’aluminium, les tarifs sur les produits chinois, un bras de fer potentiel avec l’Union européenne concernant des pratiques commerciales « très injustes », selon le président, et la possibilité (bien qu’improbable) de réintégrer le partenariat transpacifique.

Étant donné la complexité de ces priorités émergentes et leur effet potentiel sur le rendement des marchés financiers et de l’économie des États-Unis, le bureau du représentant commercial des États-Unis voudra y consacrer toute son attention, et il s’agit d’un défi de taille, puisque les négociations de l’ALÉNA sont toujours en cours.