La nouvelle proposition de l’ALÉNA entourant l’industrie automobile comporte des occasions et des risques

Cet article a d’abord paru dans le Journal of Commerce, le 18 avril 2018.

Par David Rish, président du Commerce mondial chez Livingston International

La relation entre l’ALÉNA et les fabricants d’automobiles n’est pas sans avoir son degré de complexité. Les fabricants d’automobiles ont établi des chaînes d’approvisionnement continentales robustes et complexes qui voient des pièces automobiles franchir les frontières nord-américaines à maintes reprises avant qu’un produit fini ne soit assemblé. Les économies de coût récoltées par l’ALÉNA ont permis aux fabricants d’automobiles des États-Unis de préserver leur compétitivité par rapport aux concurrents étrangers, particulièrement ceux du Japon et de la Corée, qui ont inondé le marché de l’Amérique du Nord de véhicules abordables.

L’une des nombreuses économies réalisées par les fabricants d’automobiles américains était les salaires moins élevés au Mexique par rapport aux États-Unis ou au Canada. Cela représente depuis longtemps l’un des griefs soulevés par les syndicats de l’automobile américains et canadiens, qui soutiennent que les lois du travail mexicaines sont laxistes par rapport à celles de leurs voisins du Nord.

Règles d’origine

L’ALÉNA prévoit que 62,5 % des pièces d’un véhicule soient fabriquées en Amérique du Nord. Toutefois, pour tenter de rapatrier des emplois, l’une des premières propositions de Washington lors des renégociations de l’accord commercial visait non seulement à rehausser l’exigence du contenu à 85 pour cent, mais aussi à exiger que 50 pour cent du contenu provienne des États-Unis.

La proposition a été rapidement rejetée par le Canada et le Mexique, suscitant une profonde inquiétude au sein de l’industrie automobile, où les propositions étaient considérées comme pouvant perturber de façon beaucoup trop importante leurs chaînes d’approvisionnement, risquant de réduire la rentabilité et la compétitivité et d’entraîner un fléchissement de la part de marché et, par conséquent, une perte d’emplois.

Un changement de mentalité

Au cours des dernières semaines, on a observé un changement dans la position de Washington à l’égard des règles d’origine. Les États-Unis ont assoupli non seulement leur proposition de contenu américain à 50 pour cent, mais aussi leurs exigences quant au contenu nord-américain. Bien que le contenu de la valeur régionale de l’ALÉNA proposé de 85 pour cent sera, selon toute vraisemblance, abaissé à 75 pour cent, la méthodologie partagée par les négociateurs jusqu’à maintenant s’avère une modification importante.

Plutôt que de « retracer » des matières non originaires (c’est-à-dire des matières qui ne sont pas de l’Amérique du Nord) dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement comme cela se fait aujourd’hui, la nouvelle proposition vise à regrouper les matières en trois catégories ou plus devant satisfaire à certains seuils de contenu allant de 65 à 75 pour cent. Cependant, il s’agit là d’une approche « tout ou rien ». Si les pièces d’une catégorie atteignent le seuil de contenu, la valeur totale représente jusqu’à 100 pour cent. Sinon, elles seront simplement considérées comme n’ayant aucun contenu d’origine.

Ces modifications ont été apportées à la suite des récentes consultations intenses entretenues avec les représentants du secteur automobile.

Or, le revirement quant aux propositions sur le contenu des produits de l’automobile n’était pas nécessairement une capitulation de la part de Washington. En échange de l’abandon de sa proposition de 50 pour cent du contenu provenant des États-Unis, l’administration a soumis une nouvelle suggestion qui obligerait les fabricants d’automobiles américains à produire leur contenu dans des territoires offrant un salaire minimum établi en contrepartie de crédits financiers pour aider à compenser les coûts de main-d’œuvre supplémentaires.

L’idée consistait à aplanir les disparités afin que la main-d’œuvre américaine ne soit pas trop défavorisée par rapport à celle du Mexique. La proposition entraînerait, au final, l’une ou l’autre de deux conséquences. Elle inciterait les fabricants d’automobiles américains à ramener des emplois aux États-Unis, où les frais de main-d’œuvre sont plus élevés, ou continuerait d’assurer la production au Mexique en obligeant, toutefois, les fabricants à hausser les salaires.

La proposition a été chaleureusement accueillie par les syndicats des trois pays qui croient que les travailleurs bénéficieront en dernière instance du concept. Par contre, ils ne sont pas seuls. Compte tenu de la récente intensité des négociations entre les parties de l’ALÉNA, y compris à l’échelon ministériel, il est juste d’affirmer que la nouvelle proposition pour le secteur automobile est, en outre, sérieusement envisagée par les responsables de la formulation des politiques au Canada et au Mexique.