Six questions à se poser en réponse aux nouveaux tarifs douaniers

Par Jill Hurley

Les entreprises engagées dans le commerce mondial, surtout celles de l’Amérique du Nord, vivent toujours de l’appréhension au début d’un nouveau mois.

Que ce soit intentionnel ou non, le début du mois semble réservé aux nouvelles annonces (et parfois aux nouvelles actions) concernant les règlements commerciaux et tarifaires. Ce mois-ci, alors que les importateurs de partout en Amérique attendent la fin de la pause de 90 jours que l’administration Trump a imposée sur les tarifs douaniers dits réciproques, il y a plus d’annonces et plus de confusion.

Mise à jour sur les tarifs réciproques

En résumé, les tarifs réciproques sont ceux que l’administration américaine a annoncés le 2 avril 2025, date qu’elle a appelée le « Jour de la libération ». La première annonce portait sur l’imposition d’un tarif universel de 10 % sur les importations de marchandises provenant de l’extérieur de l’Amérique du Nord et d’un taux tarifaire beaucoup plus élevé pour environ 60 pays que l’administration a identifiés comme bénéficiant d’un surplus commercial avec les États-Unis. En 48 heures, ces tarifs plus élevés ont été soumis à une trêve pour une période de 90 jours (jusqu’au 9 juillet).

Dans les jours précédant la fin de cette pause, l’administration a annoncé qu’elle prolongerait cette période jusqu’au 1er août. Elle a toutefois annoncé de façon surprenante que des lettres avaient été envoyées à 19 pays (maintenant 27) de la liste de pays d’origine pour les aviser qu’ils seraient assujettis à des taux tarifaires douaniers plus élevés le même jour. Cette annonce semblait redondante, car ces pays allaient subir ces tarifs de toute façon.

Il convient de noter qu’au moment de la rédaction, la liste des pays destinataires de ces lettres officielles n’avait pas été mentionnée par les chaînes d’État officielles. Cela laisse présager que ces lettres constituent une dernière offensive dans cette bataille entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux plutôt qu’une mesure politique.

Nord, Sud et Ouest

Dans presque toutes les régions, les plus grands partenaires commerciaux des États-Unis se sont de nouveau trouvés sur la sellette par des annonces distinctes comme quoi leurs taux tarifaires seraient augmentés. Ces annonces ont été, encore une fois, publiées dans la presse, et non transmises au moyen de chaînes d’État officielles. L’administration américaine a annoncé une augmentation possible des taux tarifaires de 25 à 30 % pour le Canada, et de 25 à 30 % pour le Mexique et l’Union européenne. L’augmentation de ces taux tarifaires ne s’applique supposément pas aux produits énergétiques canadiens, à la potasse (dont le tarif actuel est de 10 %), et aux marchandises admissibles en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). J’affirme cette hypothèse, car aucune annonce et aucune directive officielles du gouvernement n’ont été transmises à ce jour.  Encore une fois, cela ressemble davantage à un nouveau signal d’alerte pour obliger ces plus grands partenaires commerciaux à accepter les conditions commerciales américaines qu’à une politique officielle.

Il convient de souligner que le Canada a récemment capitulé face à la menace de Washington d’imposer une nouvelle série de tarifs douaniers en réponse à la mise en œuvre prévue par le Canada d’une taxe sur les services numériques (TSN), taxe semblable à celle imposée par les pays européens. Cette taxe entraînerait des répercussions financières importantes chez les géants américains des technologies.

De l’acier à l’aluminium, en passant par le cuivre

Le 4 juin, l’administration Trump a annoncé qu’elle doublerait le taux tarifaire sur l’acier et l’aluminium, passant de 25 à 50 %. Deux semaines plus tard, elle a annoncé que les importations de dérivés d’aluminium sans pays déclaré de fusion et du moulage seraient assujetties à un taux tarifaire de 200 %.

Ce mois-ci, l’administration a concentré son attention sur le cuivre, annonçant un tarif universel de 50 % sur le métal à prix élevé à compter du 1er août. Semblablement à l’acier et à l’aluminium, les tarifs ont été imposés en vertu de l’article 232 du Trade Expansion Act de 1962, qui autorise le président à imposer des tarifs douaniers pour des raisons de sécurité nationale. L’administration soutient que la dépendance aux sources étrangères de cuivre risque de compromettre la sécurité nationale étant donné que ce composant est essentiel dans la production de technologies, d’aéronefs, de navires et de munitions.

Encore une fois, rien d’officiel n’a été publié. En date de la présente lettre, l’enquête en vertu de l’article 232 est toujours ouverte auprès du département du Commerce, et le secrétaire n’a pas encore fourni ses recommandations au président. À ce titre, l’annonce des tarifs semble prématurée, et les détails précis concernant les tarifs, y compris les exemptions officielles, les possibilités de demander une exemption, les possibilités de remboursement et les exigences en matière de documentation, demeurent ambigus.

Raison pour laquelle le 31 juillet pourrait être une date plus importante que le 1er août

Étant donné que de nombreux nouveaux tarifs devraient entrer en vigueur le 1er août, on pourrait penser qu’il s’agit de la date la plus importante à venir pour les observateurs commerciaux, mais la veille de ce jour pourrait, en fait, être beaucoup plus importante.  Le 31 juillet, des plaidoyers seront présentés à la cour d’appel pour le circuit fédéral de Washington D.C. (Court of Appeals for the Federal Circuit) afin d’établir la légalité des tarifs imposés aux partenaires commerciaux des États-Unis en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA).

À la fin du mois de mai, le Tribunal de commerce international des États-Unis (U.S. Court of International Trade – CIT) a bloqué les tarifs. Toutefois, la Maison-Blanche a rapidement interjeté appel, envoyant l’affaire à la cour d’appel le 31 juillet, ce qui permet aux tarifs de rester en place pour le moment.

Si le tribunal d’appel statue contre l’administration américaine, l’affaire risque fort probablement d’être transmise à la Cour suprême. Cette mesure pourrait toutefois inciter l’administration à renforcer certaines de ses politiques commerciales par rapport à ce qui a déjà été annoncé.

Comment les entreprises dépendantes du commerce seront-elles touchées?

En bref, plus l’attente est longue, plus il y a de questions.  Le défi de l’approche actuelle de l’administration en matière de politique commerciale repose en grande partie sur l’incertitude entourant les tarifs, plutôt que sur les tarifs eux-mêmes (bien qu’on ne doive pas sous-estimer leurs répercussions),

Les entreprises ne savent pas exactement quelles mesures prendre compte tenu de la volatilité de l’environnement commercial. Les importateurs de certains secteurs qui comptent sur des composants à l’extérieur des États-Unis pour la production procèdent au stockage de marchandises en prévision des tarifs.  Ironiquement, cette approche a servi d’aubaine pour les fabricants industriels qui produisent ces composants.

Les entreprises ayant des modèles de distribution qui s’étendent jusqu’au Canada ou au Mexique devraient envisager de faire des économies de coûts sur le transport. En effet, elles pourraient fractionner les expéditions outre-mer afin de faire acheminer directement les marchandises destinées au Canada ou au Mexique à ces pays ou encore les expédier vers ces pays en les soumettant à une caution en douane lorsqu’elles arrivent aux États-Unis. Ces procédures empêcheraient l’importateur de payer des tarifs douaniers sur les marchandises destinées au Canada et au Mexique.

Flexibilité des marges et des prix

Bien sûr, la question clé est de savoir quel impact les tarifs exerceront sur les prix.  L’inflation augmentera-t-elle ou les entreprises absorberont-elles le coût?  La vérité, c’est qu’il est trop tôt pour le savoir.  Les diverses pauses et exemptions imposées aux tarifs jusqu’à présent ont permis aux entreprises de résister aux pires conséquences des tarifs. Les hausses spectaculaires des prix ne sont en aucun cas généralisées. Cela pourrait toutefois changer si les tarifs réciproques entrent en vigueur le 1er août, comme indiqué par la Maison-Blanche.

Les biens comme les appareils électroménagers, qui dépendent fortement de composants provenant de l’étranger, ont connu de légères augmentations de prix (moins de 1 %) au T2. Toutefois, en raison de la menace de tarifs plus élevés sur les zones d’approvisionnement critiques comme la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie, ces prix risquent d’augmenter.

Dans le secteur de la technologie, les tarifs douaniers sur le cuivre pourraient exercer un impact sur les prix, mais comme les détails du nouveau tarif sont toujours ambigus, il est trop tôt pour affirmer ce qu’il en sera.  De même, les articles à bas prix comme les vêtements et les chaussures risquent de connaître des hausses de prix, mais il est difficile de savoir à quel point.

L’ampleur des hausses de prix auxquelles les entreprises seront contraintes dépendra des stocks qu’elles auront constitués et de la marge de manœuvre dont elles disposeront.  Par conséquent, les grandes entreprises qui disposent d’une plus grande marge sont plus susceptibles d’être en mesure d’absorber les coûts que les petites entreprises. De plus, cet atout leur permet de maintenir des prix concurrentiels, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale.

Cependant, la question est de savoir combien de temps ces entreprises pourront résister à cette absorption des coûts avant qu’elle ne commence à avoir une incidence sur le rendement financier.

Six questions que les entreprises doivent se poser

Les prières et les espoirs ne sont pas une stratégie judicieuse dans l’environnement d’aujourd’hui. Les changements majeurs risquent d’être prématurés, mais à tout le moins, les entreprises touchées par les tarifs devraient se poser les questions suivantes :

  • Ai-je suffisamment de redondance dans ma chaîne d’approvisionnement internationale pour augmenter ou réduire ma production en un seul endroit, au besoin, en réponse aux politiques tarifaires?
  • Mon modèle de production est-il suffisamment flexible pour me permettre de modifier la fabrication des composants afin de réduire mon exposition aux tarifs douaniers (ou assez flexible pour utiliser d’autres types de matériaux à plus bas prix)?
  • Est-ce que je maximise mon utilisation des accords de libre-échange (pas seulement l’ACEUM par les accords de libre-échange accessibles dans les pays où ma production a lieu)?
  • Quelle est ma marge de sécurité, et mon entreprise peut-elle résister à la volatilité de l’environnement commercial actuel?
  • Ai-je la capacité de diviser l’approvisionnement ou la production outre-mer afin de m’adapter aux marchés américains par rapport aux marchés étrangers (ce qui est particulièrement important pour ceux ayant un secteur de production outre-mer destiné aux marchés de l’Asie-Pacifique)?
  • L’approvisionnement national est-il envisageable pour mes entreprises? (Si ce n’est pas le cas, il pourrait y avoir un cas d’exemption tarifaire.)

Bon nombre d’entreprises avec lesquelles nous travaillons étudient déjà ces questions en profondeur, sachant que la volatilité actuelle risque de devenir une nouvelle normalité, du moins dans un avenir prévisible.

Je compare souvent l’environnement commercial actuel à un jeu d’échecs, où chaque entreprise engagée dans l’importation et l’exportation doit tenter de prédire le prochain changement possible et la mesure qu’elle pourrait prendre en réponse.  C’est plus vrai que jamais aujourd’hui.

Jill Hurley est directrice nationale, Conseil en commerce international de Livingston. En tant que chef des meilleures pratiques, elle dirige des projets d’importation et d’exportation aux États-Unis, offrant des examens complets des modèles d’affaires des clients pour l’évaluation des risques, l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de conformité à l’importation et à l’exportation, la réalisation d’audits, la navigation dans les exigences en matière de licences d’exportation et le soutien en ce qui concerne les questions de recours commerciaux aux États-Unis.