Ne pas comprendre le filtrage des parties assujetties à des restrictions en 2022 signifie l’augmentation de l’exposition au risque

US sanctions list against Russia, judge's gavel, USA flag on wooden table.

Par Khaled (Cal) Jamalalldeen

Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement qui ont frappé les importateurs et les exportateurs américains depuis la pandémie de COVID-19 ont donné une nouvelle importance à la visibilité de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises de toutes tailles sont à la recherche d’outils leur permettant de mieux comprendre comment, où et quand leurs marchandises sont transportées.

Cela est particulièrement le cas pour les grands expéditeurs dont les chaînes d’approvisionnement complexes impliquent de multiples voies commerciales et de nombreux partenaires de la chaîne d’approvisionnement. Les petits expéditeurs, bien que concernés, disposent de moins de ressources pour investir dans ce niveau de contrôle et ont ressenti moins de pression pour le faire, car ils ne traitent peut-être qu’avec un seul acheteur ou fournisseur étranger (et, dans de nombreux cas, à l’occasion seulement).

Cependant, le déclenchement des hostilités en Ukraine et les sanctions associées imposées à la Russie par les nations occidentales poussent désormais les entreprises de toutes tailles à mettre en place leurs chaînes d’approvisionnement de peur de contrevenir aux sanctions imposées. À cette fin, les entreprises se livrent à une pratique connue sous le nom de Restricted Party Screening (filtrage des parties assujetties à des restrictions) ou RPS.

Qu’est-ce que le RPS?

En termes simples, le RPS est un outil qui permet aux entreprises de filtrer les partenaires et/ou les produits de leurs chaînes d’approvisionnement pour s’assurer qu’ils ne sont pas répertoriés comme restreints par une entité gouvernementale. Il s’agit d’introduire les noms des partenaires de la chaîne d’approvisionnement dans une base de données mondiale des parties assujetties à des restrictions pour vérifier s’il y a une correspondance. Le processus est généralement automatisé, car le nombre de sanctions à l’encontre de diverses parties se compte en milliers à l’échelle mondiale et il n’existe pas de répertoire central des listes de parties interdites, de sorte que le processus peut être excessivement lourd s’il est effectué manuellement. De nombreux exportateurs supposent souvent à tort que si une partie ne figure pas sur une liste, il n’y a aucun risque à faire des affaires avec elle.

Qui devrait effectuer le filtrage des parties assujetties à des restrictions?

Toutes les entreprises qui se livrent à l’importation et à l’exportation doivent effectuer un filtrage des parties assujetties à des restrictions, indépendamment de leur taille, de la destination de leurs marchandises ou de la réputation perçue des partenaires de leur chaîne d’approvisionnement. Selon la loi américaine, il incombe à l’importateur ou à l’exportateur de s’assurer que les marchandises ne se retrouvent pas entre les mains de parties assujetties à des restrictions. Pour les grandes entreprises, le processus RPS fait souvent partie intégrante de l’évaluation des partenaires de la chaîne d’approvisionnement, nouveaux ou existants. Cependant, pour les 96 % des exportateurs américains qui sont de petites entreprises (et représentent environ le quart de l’activité d’exportation totale), le processus RPS demeure quelque peu une ressource inconnue et sous-utilisée.

Pourquoi est-ce important?

Le processus RPS permet aux entreprises d’avoir l’assurance que les parties avec lesquelles elles font des affaires à l’étranger n’enfreignent pas les sanctions. Il permet également aux entreprises de démontrer au gouvernement qu’elles ont fait preuve de « diligence raisonnable » pour s’assurer qu’elles ne s’engagent pas délibérément dans le commerce avec des parties assujetties à des restrictions. Les gouvernements mettent en place des sanctions pour protéger leur propre sécurité nationale ou celle de leurs alliés. La violation des sanctions est interprétée comme une menace à la sécurité nationale et peut entraîner des amendes importantes, des poursuites pénales, des peines de prison et la perte de licences d’exportation. Au cours des derniers mois, les États-Unis et d’autres pays occidentaux ont imposé des centaines de sanctions à l’encontre d’entreprises et de particuliers russes connus pour leur soutien de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ou soupçonnés de la soutenir. Ces sanctions ont révélé l’importance du processus RPS, mais les entités visées par les sanctions avant la guerre en Ukraine se comptaient encore par milliers et comprenaient des entreprises et des individus dans des pays avec lesquels les exportateurs américains font souvent des affaires, comme la Chine, l’Irak, la Corée du Nord, etc.

Qu’est-ce qui constitue une violation des sanctions?

Dans de nombreux cas, les entreprises pensent à tort que tant qu’elles sont sûres que les entreprises auxquelles elles vendent des marchandises à l’étranger sont légitimes et de bonne réputation, elles n’ont pas à s’inquiéter. Cela n’est pas tout à fait vrai. S’il s’avère qu’une entreprise fournit des marchandises à une partie à l’étranger qui les revend ou les incorpore dans un nouveau produit qui est ensuite vendu à une autre partie, puis revendu ou modifié et vendu à une partie assujettie à des restrictions, le vendeur initial aux États-Unis peut être considéré comme ayant enfreint les sanctions. Ceci est vrai même si la partie assujettie à des restrictions ne l’était pas au début de la relation.

Les sanctions fonctionnent-elles toutes de la même manière?

Les sanctions se classent en fin de compte dans l’une des deux catégories suivantes : primaire ou secondaire. Les sanctions primaires sont celles qui sont directement imposées aux entreprises et aux particuliers. Les entreprises américaines qui se sont avérées faire du commerce avec des parties assujetties à des restrictions à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis pourraient être considérées comme étant en violation. Les sanctions secondaires vont plus loin. Ces sanctions placent les entreprises basées à l’étranger devant l’ultimatum de devoir faire des affaires soit avec les États-Unis, soit avec une partie dans un pays sanctionné, mais pas les deux. Par exemple, une entreprise turque ne peut pas vendre des marchandises à une partie située dans un pays sanctionné par les États-Unis (p. ex. Iran, Chine, Corée du Nord, Syrie, etc.) et vendre également des marchandises aux États-Unis. Les importateurs américains qui achètent sciemment des marchandises à des entités étrangères qui vendent également des marchandises à des pays sanctionnés pourraient être considérés comme enfreignant les sanctions secondaires.

Comment fonctionne le processus RPS?

Comme mentionné ci-dessus, le processus RPS est généralement automatisé. Les noms et adresses des entités et les contrôles d’exportation associés sont saisis dans un logiciel exclusif. Chez Livingston, si une partie est identifiée comme étant possiblement assujettie à des restrictions, celle-ci est inscrite dans une file d’attente, puis fait l’objet de recherches et est examinée par des experts en conformité.

Le processus ne s’arrête pas là

Comme les listes des parties assujetties à des restrictions sont fréquemment mises à jour et que les partenaires d’approvisionnement peuvent changer, il est recommandé à tous les exportateurs, particulièrement à ceux qui ont de multiples partenaires commerciaux et/ou de multiples pays de destination ou pays d’origine, de procéder à un filtrage régulier afin de pouvoir identifier en temps réel les parties assujetties à des restrictions nouvellement inscrites ou un changement de statut d’une partie, et de pouvoir offrir des conseils sur le degré de risque associé. Ce processus est également utile pour vérifier les acheteurs et les fournisseurs potentiels.

De nombreuses entreprises n’apprennent l’existence du processus RPS ou l’importance de la conformité aux sanctions que lorsqu’il est trop tard et qu’elles se retrouvent sous le coup d’une enquête fédérale. Elles ignorent souvent qu’elles ont été exposées à un risque ou que les partenaires de leur chaîne d’approvisionnement ont représenté un risque pour eux. C’est pourquoi il est préférable de considérer le processus RPS comme une sorte de filet de sécurité; un coût initial nominal qui atténuera des dépenses futures bien plus importantes.

Il incombe à l’exportateur ou à l’importateur d’être proactif. Une approche réactive du processus RPS est en fin de compte une approche défaillante.

Khaled (Cal) Jamalalldeen est un directeur conseil en commerce international chez Livingston International. Il est chargé d’aider les entreprises à identifier et à résoudre les problèmes de conformité commerciale et de taxe à la consommation. Il possède plus de 17 ans d’expérience dans l’industrie, avec des compétences particulières et une connaissance approfondie en matière de taxes sur les produits de base et indirectes, la conformité réglementaire du commerce international et la reprise financière.